De la coupe à l'ombre...Première partie

Publié le par Dan Rodgerson

Ce texte est de mon ami Paul Mertz qui a déjà écrit ici et sur mon blog.

Ce texte est aussi publié sur la petite fabrique d'écriture à partir du thème proposé cette quinzaine.

 

 

J’ai beaucoup voyagé, j’ai visité de nombreuses contrées, rencontré des peuplades et des gens de toutes sortes, croisé des princes et des gueux. J’ai rapporté dans mes bagages quantité de récits. Ils disent en mots simples ou châtiés les interrogations des humains que j’ai côtoyés. Leurs doutes et leurs espoirs traversent ces histoires. Dans un monde mouvant où l’ombre chasse la lumière, la nuit le jour, ils nous interpellent et obligent chacun à chercher la boîte d’allumettes qui est tombée sous le buffet.

 

de la coupe à l'ombre 4


Mon premier récit, je l’ai recueilli dans un merveilleux palais, sur les rives du lac de S… J’étais l’invité de l’Archiduc Ferdinand de M… et de son adorable épouse Marie Amélie, maitresse de maison accomplie et femme de culture. Nous venions de terminer notre souper, comme d’habitude composé des mets les plus fins, des poissons pêchés le matin même et des fruits et légumes savoureux cultivés dans les jardins et les vergers de l’Archiduc. Nous devisions aimablement sur la grande terrasse herbeuse qui descend en pente douce vers le lac. Je profitais de cette occasion pour faire part de mon étonnement à mon hôte. J’avais remarqué dans le vestibule un grand portrait d’un homme qui portait une perruque extravagante, d’un bon pied de hauteur.


« C’est mon grand père qui y est représenté, me renseigna l’Archiduc. Il avait à son service un perruquier qui était au cheveu ce qu’un restaurant quatre étoiles est à la gastronomie. Il savait tirer partie de n’importe quelle chevelure terne et raide qui retrouvait sous ses mains brillance et  souplesse. Sa renommée dépassa rapidement les limites de notre archiduché.


Hélas, l’homme, s’il était expert dans l’art du fer à friser et du peigne, ne brillait guère par ses qualités humaines. Ses employés souffraient de son caractère changeant et de son intransigeance. Ses clients, aussi fortunés soient-ils, devaient subir sa logorrhée rendue souvent inintelligible par un léger défaut de prononciation. Il zozotait.


Et puis un jour, il échappa à un homicide. Etait-ce un employé ou un client lassé de ses manières ? Personne ne le sut. Toujours est-il qu’il s’en fallut d’un cheveu, excusez cette saillie, qu’il ne meure. Il en fut quitte pour une grande frayeur mais ne fut plus le même. Le moindre bruit l’effarouchait à présent. Tout se passa comme s’il n’avait plus qu’une furieuse envie de se fondre dans le décor. C’est du reste ce qui arriva. Un matin, on ne retrouva chez lui qu’un vieux peigne en écaille à qui il manquait de nombreuses dents. » 

 

A suivre

Publié dans histoires comme ça

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