Accroc et papillon...2
Mardi
Ernest Galuchat se lève 15 minutes plus tôt que l’heure habituelle. Il a trouvé une aiguille et du fil gris dans la boîte à couture que lui a léguée Maman. Maman. Son avis de décès est accroché en face de lui. Il en connait le texte par cœur. « Les fonctions vitales de Fernande Soulier, veuve Galuchat, se sont arrêtées ce jour à 5h 17 du matin. » Pas de date mais un grand tampon de l’Administration au Recensement Public. Ernest Galuchat essaie de se souvenir quand c’est arrivé. C’était en tout cas il y a plusieurs plannings hebdomadaires de cela. Il en oublie l’accroc à sa veste. Une sonnerie. 7h39. Il est l’heure qu’il parte.
« Ça ira comme cela, dit Ernest Galuchat à voix haute en regardant sa réparation inachevée. »
Aussitôt, il se sent gêné de ce qu’il vient de dire. Si on l’avait entendu.
Une autre sonnerie. Plus longue. 7h43. Ernest Galuchat quitte son singlapt, son appartement pour célibataire. Il est vraiment en retard cette fois-ci. C’est la première fois. Il ralentit son allure quand il arrive sur la Place du Devoir, lieu central de la Cité Administrative. Personne ne l’a remarqué. Au dessus de lui, le dôme translucide diffuse sa clarté laiteuse. Il tourne à main droite dans la rue de la Raison Dialectique et longe le mur en petites briques apparentes.
« Je me demande ce qu’il y a là derrière, se dit Ernest Galuchat. »
Il s’arrête, interdit. A-t-il parlé à voix haute ? Il repense aux paroles de Maman.
« Ernest, tu auras de l’avancement à coup sûr si tu sais te fondre dans le décor. Ecoute tes chefs et fais ton travail consciencieusement. Ne fais pas comme ton père. Qu’il m’a fait souffrir celui-là. Quel foutriquet c’était. »
7h58. Les portes de l’Administration sont déjà ouvertes au public. Monsieur Patère se tient sur le seuil, le regard au lointain. Ernest Galuchat passe devant lui en soulevant légèrement son chapeau. Un filet de sueur coule le long de ses omoplates.
A suivre